La collégiale Saint-Pierre-la-Cour, la « Sainte-Chapelle » du Mans

La collégiale. Les baies médiévales ont été remplacées par les fenêtres actuelles lors de la transformation de l’édifice après la Révolution.

L’ancienne collégiale Saint-Pierre-la-Cour est un des monuments les plus importants du Mans. C’est aussi un édifice assez peu connu et plutôt énigmatique. En partie détruite, transformée en école puis en bureaux après la Révolution, la collégiale a vu ses baies gothiques remplacées par des petites fenêtres en bois, et seule la chapelle basse subsiste, parfois ouverte au public lors d’expositions.

Construite au début du xie siècle par le comte du Maine Élie Ier, à l’emplacement d’un oratoire plus ancien, la collégiale sert pendant tout le Moyen âge de chapelle particulière aux comtes du Maine, qui résident tout près dans leur palais, aujourd’hui transformé en hôtel de ville.

Largement agrandie au xiiie siècle avec l’ajout d’un chevet monumental à deux niveaux, la collégiale possède aussi sa propre paroisse et renferme les reliques de la patronne du Mans, Sainte Scholastique, notamment invoquée pour protéger des incendies. Comme la cathédrale Saint-Julien, elle a d’abord été édifiée contre la paroi interne de la muraille romaine qui entoure le Vieux Mans, puis elle s’est ensuite agrandie en dehors. Le chevet qui fait ainsi saillie est cependant muni de puissants contreforts qui lui donnent un aspect défensif immanquable.

La collégiale et son quartier

La façade construite sur la place St-Pierre après la destruction de la nef de la collégiale.

L’ancienne collégiale est bâtie à cheval sur deux ensembles distincts : d’un côté le Vieux Mans, aussi appelé Cité Plantagenêt, qui occupe un éperon rocheux et correspond à l’ancienne ville close. De l’autre, la collégiale s’élève au bord d’un ancien vallon, où coulait autrefois un ruisseau, et qui sépare le Vieux Mans du centre-ville plus moderne. Le vallon a fait place à une artère, l’avenue de Rostov-sur-le-Don, aménagée au fil du xxe siècle. Dans les années 1970, le chevet de la collégiale était encore en partie masqué de ce côté par des constructions parasites, qui ont depuis été détruites pour aménager des espaces verts.

S’il est difficile de manquer l’austère chevet à contreforts du côté de l’avenue de Rostov-sur-le-Don, du côté du Vieux Mans, la collégiale est très peu visible. En effet, sa façade d’origine a disparu lorsqu’elle a été transformée après la Révolution, et sa nef a été en partie rasée. Une nouvelle façade au style plutôt quelconque a été bâtie pour servir d’entrée. En revanche, la place devant s’appelle toujours « place Saint-Pierre ». Elle a cependant perdu sa fontaine, également détruite au xixe siècle, et a été largement agrandie jusqu’à venir s’étendre jusqu’au pied de l’hôtel de ville, qui était autrefois séparé du parvis de la collégiale par diverses constructions.

La collégiale dans l’histoire

L’ancien chevet à deux niveaux, derrière les Ponts-Neufs. A droite, le palais comtal.

La collégiale occupe, comme le palais des comtes du Maine voisin, un emplacement privilégié au sein du Vieux Mans. Elle se trouve au milieu du front sud des remparts, et fait le lien entre l’ancienne ville close et la ville basse. Elle se trouve à cheval sur l’ancienne muraille romaine, qui faisait à ce niveau un décrochage. A l’emplacement de la collégiale se trouvait une tour, qui permettait de défendre la porte Saint-Martin, qui était en renfoncement plus à l’ouest. Au fil du Moyen âge, cette porte a été remplacée par les Ponts-Neufs, qui montent entre la collégiale et le palais. Le palais lui-même se situe peut-être à l’emplacement du forum antique, et c’est aussi dans ce secteur que, selon la légende, Saint Julien serait apparu au gouverneur romain.

Un premier oratoire dédié à Saint Pierre, dont on ne sait presque rien, est d’abord édifié au Haut Moyen âge. Cette chapelle primitive accueille au ixe siècle les reliques de Sainte Scholastique, la patronne du Mans. Conservées depuis le début du viiie siècle dans un monastère hors de la ville, ces reliques de la sœur de Saint Benoît sont déménagées à cause des invasions vikings, et garantissent tout au long de la période médiévale un prestige certain à la chapelle, et une affluence de pèlerins. La chapelle est dotée d’un chapitre de chanoines par le comte Hugues Ier et celui-ci la considère comme son église personnelle autour de 970. Cela montre que les comtes réussissent à s’affirmer dans la ville, et qu’ils séjournent régulièrement intra muros dès cette époque au moins. Il faut cependant attendre les années 1090 pour trouver mention du palais comtal.

Élie Ier, qui est peut-être à l’origine du palais, fait reconstruire la collégiale en 1093. Au xie siècle, la dynastie des comtes du Maine s’éteint, et l’Anjou et la Normandie se déchirent pour récupérer la couronne comtale. Guillaume le Conquérant, qui parvient à conquérir Le Mans, autorise les chanoines à s’étendre hors des remparts et à démolir la tour de la muraille romaine qui se trouvait là. Ce sont cependant les Angevins qui parviennent finalement à s’imposer, et Le Mans devient une des capitales des Plantagenêts. Henri II d’Angleterre, natif du Mans, fait restaurer la collégiale en 1175. Celle-ci avait sans doute souffert du grand incendie qui avait dévasté la ville en 1134.

La chapelle basse.

Au xiiie siècle, les Capétiens récupèrent le Maine, qui est donné en apanage à des cadets du roi de France. L’un des comtes apanagés, Charles II d’Anjou, fait élever le chevet monumental à deux niveaux en 1267. Cette disposition a sans doute été inspirée par la Sainte-Chapelle, édifiée quelques décennies auparavant par son oncle, Saint Louis.

Chapelle particulière des comtes, la collégiale a pu être richement dotée, notamment sous les Plantagenêts, et elle renfermait la bannière comtale ainsi que les reliques de Sainte Scholastique. Sous l’Ancien régime, la collégiale était entourée, tout comme la cathédrale Saint-Julien, d’un quartier canonial qui s’étendait sur la place Saint-Pierre et la rue Saint-Flaceau où subsistent d’ailleurs plusieurs hôtels particuliers. La collégiale dans son état du xviiie siècle est bien connue grâce à une description détaillée datant de 1741. À cette époque, le portail, remodelé à l’époque moderne, formait un portique à quatre colonnes aux ordres superposés. La tour romane, qui contenait quatre cloches, était couronnée par un pavillon à deux épis, le faîte décoré de lambrequins en plomb représentant les armes du chapitre (d’azur à deux clés d’argent, surmontées d’une fleur de lys).

Dès le Moyen Âge, la collégiale est séparée du palais des comtes du Maine par une cour qui devient la place Saint-Pierre, et par diverses constructions privées, notamment des habitations, qui colonisent peu à peu les pourtours de la place, mais aussi des constructions à usage commercial ou utilitaire (étals aux poissonniers au xiiie siècle, boucherie aux xive siècle et xve siècle…).

La collégiale Saint-Pierre-la-Cour, qui était restée église particulière du présidial et de l’hôtel de ville, est désaffectée en 1790. Le mobilier et les reliques de Sainte Scholastique sont perdus et la paroisse liée à la collégiale est rattachée à celle de la cathédrale. La collégiale sert d’arsenal au cours de la Révolution, puis elle est lourdement transformée pour devenir une école. Jusqu’alors le seul élément du complexe palatial médiéval encore préservé dans sa totalité, elle est amputée de sa nef et de son clocher en 1812 lors de travaux d’agrandissement de la place Saint-Pierre, et l’intérieur est complètement réaménagé avec la création d’un étage. L’édifice accueille en premier lieu l’école mutuelle communale, puis une école de jeunes filles, une école professionnelle et une école de musique. Seule la chapelle basse est préservée. Elle accueille quelques cours de l’école professionnelle, avant d’être occupée par un musée archéologique de 1903 à 1939. Une restauration est entreprise en 1977, et, alors que la richesse architecturale du Vieux Mans est peu à peu redécouverte et mise en valeur, la chapelle basse devient un lieu d’expositions en 1980.

Architecture

Une petite partie de l’ancienne nef, détruite après la Révolution, subsiste derrière le chevet, mais sa transformation en édifice administratif la rend peu lisible.

La nef romane, presque entièrement détruite après la Révolution, occupait une bonne part de la place Saint-Pierre, et remontait essentiellement au xie siècle pour les parties basses, et au xiie siècle pour les parties restaurées par Henri II. Il ne reste plus que deux travées fortement remaniées de cette nef de style roman, qui se terminait par une haute tour du même style, rasée en 1812.

Le lutrin transféré à la cathédrale.

La nef, qui mesurait 26 m sur 7, était éclairée par quatre baies cintrées au sud, et deux seulement au nord, les deux autres étant obstruées par la psallette. A l’intérieur, les murs étaient couverts de lambris. L’orgue se trouvait au dessus de l’entrée, et les côtés étaient munis de deux autels, l’un pour la paroisse, dédié à Saint Pierre à droite, l’autre sans affectation à gauche. Au fond, la grille fermant le chœur était encadrée par l’autel de Sainte Scholastique à droite, et par un autre autel dédié à Saint Pierre à gauche. Le chœur, de près de 22 m sur 11,5, était orné de stalles du xvie siècle, de boiseries et de tapisseries, et il était éclairé par trois grandes baies à roses gothiques de chaque côté. Derrière l’autel en marbre noir, les reliques conservées dans une chasse étaient disposées dans une niche du chevet plat, reconstruit au 1682. Il ne reste plus rien du mobilier, à l’exception d’une statue en terre cuite de Scholastique conservée à l’abbaye de Solesmes et un lutrin du xviiie siècle portant les armes du chapitre, transféré à la cathédrale.

Ce niveau supérieur, en partie amputé, a été transformé en école puis en bureaux municipaux au xixe siècle, et seule la chapelle basse subsiste. Cette chapelle, également dénommée Notre-Dame-sous-Terre, permet de compenser l’écart de niveau entre d’un côté la place Saint-Pierre intra-muros, et de l’autre la ville basse. Elle est divisée en trois double travées dont les voûtes d’ogive reposent sur deux colonnes. Un escalier, désormais muré, permettait de relier les deux niveaux.

Plan de la collégiale au XVIIIème siècle, par Heutebize et Triger (1897).

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